Conçu pour coller aux besoins des travailleurs, leur permettre d’aller chercher des débouchés pour leur production horticole et construire du lien social jusque dans les petits villages, le flower truck de l’Esat des Ateliers du Planteau va bientôt arpenter les routes de l’Isère et de la Drôme pour la plus grande fierté des hommes et des femmes qui ont été récompensés lors de l’appel à projets Territoires en action de Solidel édition 2020.   

 

Les food-trucks se sont imposés dans nos rues en ­seulement quelques années. Les flower trucks, leur version à pétales, pourraient bien suivre la même route et animer à leur tour les places de nos villages et de nos quartiers désertés par les commerces de proximité. C’est en tout cas ce que pensent les initiateurs d’un concept très «flower power» qui a remporté l’édition 2020 de l’appel à projets Territoires en action. Celui-ci récompense des initiatives d’amélioration des parcours de vie des personnes en situation de handicap.

L’idée a d’abord germé dans la tête d’Alexandre Duquesne, moniteur principal aux Ateliers du Plantau, un établissement et service d’aide par le travail (Esat) installé à Chatte, petite commune de l’Isère. La structure qui fait partie de la grande famille ­Solidel, le réseau pour l’inclusion des personnes en ­situation de handicap sur leur territoire de vie créé par la MSA, accueille 40 personnes souffrant de retard mental et de troubles associés. Les fleurs, ce gaillard de 38 ans, qui a la responsabilité de deux ateliers (horticulture et espaces verts), en a plein la tête. Cet amoureux des plantes a poussé la porte de l’Esat qui l’emploie encore aujourd’hui il y a 11 ans avec un BEP, un Bac pro et un BTS en production horticole en poche. Pour lui, produire des végétaux de ­qualité dans le respect des sols et des hommes est déjà une victoire, mais reste l’épineuse question de leur commercialisation. La production est aujourd’hui principalement vendue à la boutique de l’Esat et dans des foires locales, des débouchés rendus plus incertains par l’instauration des mesures sanitaires renforcées.

Heureusement, le flower truck montre le bout de sa calandre à point nommé. « On a la chance de disposer d’une entreprise spécialisée dans la conception de camion magasin, installée juste à côté de chez nous à Romans-sur-Isère, se félicite Alexandre Duquesne. Ils ont été très conciliants, nous les avons sollicités il y a plus de deux ans, le temps pour nous de réunir tous les financements d’un projet qui se monte à plusieurs dizaines de milliers d’euros. »

Grâce à la récompense versée par Solidel, le premier financeur du flower truck, l’Esat a pu boucler l’achat du camion. Il s’agit d’un véhicule de type pizzeria roulante, transformé selon les plans et les envies de l’équipe. Doté de trois présentoirs rabattables, il a été imaginé dès le départ pour lui faciliter la vie avec le moins de montage et de démontage possible. Il suffira de manœuvrer l’ouvrant et de rabattre les présentoirs pour faire apparaître un lieu de vente organisé sur six niveaux à la façon d’un amphithéâtre romain, idéal pour mettre en valeur les plantes. Il dispose d’un coin caisse enregistreuse, d’un évier et d’un réfrigérateur. Des étagères de présentation ont également été ajoutées à l’arrière pour recevoir l’épicerie et les plantes aromatiques. « Une fois la vente terminée, il ne faut que quelques minutes aux travailleurs pour replier les auvents et reprendre le volant pour rentrer, explique Alexandre Duquesne. La souplesse du camion nous permet d’être réactifs, de pouvoir nous déplacer à l’endroit où on nous attend aussi bien que là où on ne nous attend pas. Nous visons le bassin économique de Saint-Marcellin qui est très important mais aussi des tout petits villages où il n’y a plus aucun commerce. On pourrait très bien imaginer amener la boutique roulante jusqu’aux anciens et faire en même temps du lien social. »

L’objectif est avant tout d’aller à la rencontre de leur clientèle, de lui offrir une prestation de qualité dans le cadre convivial des petits marchés du secteur, des foires spécialisées, et également des sociétés situées à proximité à ­l’invitation des comités d’entreprise. « Ce camion représente une opportunité pour les travailleurs de l’Esat de se rendre en autonomie sur les lieux de vie pour distribuer leurs productions tout en valorisant leurs apprentissages de la vente et en développant leurs débouchés en circuits courts, ­poursuit le moniteur principal. Disposer d’un équipement aussi attrayant qu’efficace doit conforter la notoriété de l’Esat et contribuer par sa présence hors des murs à démystifier les problématiques supposées de nos travailleurs. Neuf d’entre eux se sont portés candidats. Ils tourneront par équipes de trois. Cette nouvelle activité s’intègre dans le projet professionnel personnalisé qu’ils ont signé en rentrant chez nous. »

La souplesse de l’outil permet aussi aux encadrants d’adapter la charge de travail à l’état de forme des travailleurs, en permettant par exemple de faire des ventes d’une heure et de rentrer déjeuner. Une notion fondamentale dans le milieu protégé. « Il y aura une inscription trois semaines à l’avance. En Esat, il faut constamment vérifier l’état de forme des équipes et leur permettre toujours d’avoir une porte de sortie en cas de coup de moins bien. Ils sont très motivés par ce nouveau projet. Même s’ils ne mettent pas forcément des mots, leur attitude montre qu’ils sont heureux d’être accompagnés par nous et ça nous comble professionnellement et humainement. Je côtoie des gens qui sont dans l’horticulture depuis trente-sept ans, je n’ai que 38 ans, pour moi, c’est un privilège. J’apprends beaucoup auprès d’eux. Ils ont des problématiques, certes, mais ils ont aussi une technicité folle. Travailler auprès de personnes engagées dans de multiples projets et qui ont les yeux qui brillent quand ils parlent de leur métier, ça n’a pas de prix. »

Il leur reste tous les mois de juin et juillet pour valider en commun la décoration du camion. La livraison est prévue le premier septembre, la saison des anémones du Japon.

Plus d’infos sur : www.lebimsa.msa.fr

(Alexandre Roger pour le Bimsa)